marion charlet

L’œuvre de Marion Charlet s’impose au regard comme l’expression d’un univers construit, reconnaissable et homogène, créant instantanément l’ambiguïté et le trouble : que nous dit cette artiste inclassable qui, à certains égards, pourrait être, le message politique en moins, rattachée à une figuration narrative de la dernière génération ?

​Entrer dans un tableau de cette véritable peintre, c’est être convoqué au cœur d’un songe qui ne nous appartient pas, c’est partager avec elle, dans une forme de naufrage psychanalytique, des visions, des espaces sans référents, procédant du vide, de l’absence, du silence et de l’attente.

​Les oppositions y foisonnent, en effet, et créent un mélange fait de citations enfantines, où les couleurs acidulées, fluorescentes, le disputent au noir, cerclant les objets ou dessinant les joints entre les carrelages, comme si un filtre chromatique de type eighties, à la "Twin Peaks", avait recouvert la pellicule : lumières bleues (chez David Lynch, la couleur bleue est une porte d’entrée vers l’inconscient) et ombres violentes, flashes chromatiques et sourdes permanences obscures.

​Une opposition flagrante existe également entre un monde ordonné, tracé au cordeau, perspectif, architecturé, baignant au cœur d’une culture californienne, contrôlée, à l’américaine, absolument immobile, et une nature exotique, chaotique, mouvante et luxuriante, à la Douanier Rousseau, très sexuée, avec des fleurs inquiétantes de langueur et de charmes.

​Entre pôle organisé et pôle parfaitement déconstruit, l’artiste invite le spectateur à se dissoudre dans cette matière lisse qu’est l’acrylique, traitée en à-plat, comme une pastille effervescente dans un verre d’eau. Pas ou peu d’animaux… mais des végétaux, en revanche, en profusion, comme si la présence humaine avait déserté la toile, y laissant quelques témoins suggérant son passage (objets, ustensiles, matériels divers,…), vie devenue comme subitement inutile ou plus tout à fait nécessaire. Certaines compositions ressemblent à ces paradis terrestres abandonnés à la hâte, avant le passage d’un cyclone dévastateur…

​Cet EDEN est un paradis désertique, où la mémoire, le souvenir jouxtent l’anecdote, le dérisoire, hantant des espaces a-topiques, c’est-à-dire sans lieu et surtout sans esprit, mystérieuses ambiances troublantes, sorte de parcs jurassiques du futur d’où pourraient bien sortir de mutantes créatures, encore invisibles aux yeux d’un profane par trop tourné vers son présent, sa civilisation… Pas ou peu de lignes d’horizon apaisantes et rassurantes, mais de nombreux points de fuite : cet EDEN pourrait bien être un lieu de délices, un séjour plein de charmes, un état de bonheur parfait, mais dont on conseillerait de vérifier la parfaite innocuité, avant, sans doute, de se mettre à courir…

Constantin Chariot, 2017

Marion Charlet works establish itself like the expression of a construct universe, recognizable and homogeneous, creating instantly the ambiguity and the trouble: what this unclassifiable artist says to us whom, to many regards, might be, the political message less, link to a narrative figuration of the last generation?

Enter in the painting of this veritable artist, it’s being called in the heart of a dream that doesn’t belong to us, it’s share with her, in a psychanalytic collapse form, visions, spaces without referent, proceeding by the emptiness, absence, silence and expectation.

The contradictions abound, in deed, and create a mix of childish quotations, where the acidulous colors, fluorescent, are against the dark, circling objects or drawing joints between tiles, as if a chromatic filter of type eighties, in “Twin Peaks”, had covered the film: blue lights (for David Lynch, the color blue is a gateway to the unconscious) and violent shadows, chromatic flashes and faint dark.

A blatant opposition also exists between an ordered world, drawn out with lines, perspective, architectural, bathed into the heart of a controlled, American-style Californian culture, absolutely motionless, and an exotic, chaotic, moving and lush nature, such as the Douanier Rousseau, very sexual, with disturbing flowers of languor and charm.

Between organized and perfectly deconstructed divisions, the artist invites the viewer to dissolve in this smooth material that is acrylic, treated flat, like a sparkling lozenge in a glass of water. No or few animals… but plants, on the other hand, in profusion, as if the human presence had deserted the canvas, leaving some witnesses suggesting its passage (objects, utensils, various materials, etc.), life became suddenly useless or more completely necessary. Some compositions resemble to these hastily abandoned earthly paradises, before the passage of a devastating cyclone…

This EDEN is a desert paradise, where memory, recollection adjoin the anecdote, the derisory, haunting a-topical spaces, without place and especially without spirit, mysterious and disturbing atmospheres, sort of Jurassic parks of the future from where mutant creatures might come, still invisible to the eyes of a layman who is too focused on his present, on his civilisation… No or few calming and reassuring horizon lines, but numerous leaks point: this EDEN could well be a place of delights, a stay full of charms, a state of perfect happiness, but would be advised to check for perfect safety, before, probably, running…

Constantin Chariot, 2017